Livre : Brooke Harrington, Capital Without Borders. Wealth Managers and the One Percent, Cambridge, 2016.
Le problème majeur de l'économie politique contemporaine est la concentration du capital investi dans l'économie (la capital économique). Il s'ensuit que les décisions économiques échappent à la plupart des acteurs. À ce propos, Brooke Harrington a mené une enquête (difficile) sur le rôle des gestionnaires de fortune, les "Wealth Managers", dans la concentration du patrimoine (capital à usage économique + capital à usage personnel).
L'accroissement des inégalités vient des transformations du patrimoine. Plus stable que le revenu, le patrimoine crée des configurations sociales persistantes entre les générations. Les gestionnaires de fortune interviennent à trois moments du cycle d’accumulation de patrimoine : ils minimisent la dissipation du patrimoine due aux taxes, dettes et pénalités ; ils maximisent la rentabilité en minimisant les risques ; ils gèrent les successions afin que la fortune reste concentrée entre peu de mains. Il en résulte un mouvement perpétuel d’accroissement des patrimoines qui préserve et renforce les avantages au cours du temps. Ainsi, leur travail contribue à consolider les fortunes dynastiques et accentue la stratification sociale.
Les gestionnaires de fortune et leurs clients exercent un pouvoir politique. Par le lobbying auprès des gouvernements, par l’influence sur certaines élections (par exemple, en soutenant certains candidats), ils bloquent l’adoption de lois et de politiques qui pourraient entraver la concentration du patrimoine.
Notons que le problème ne vient pas de la transmission du patrimoine familial, mais vient de la nature de capital à usage purement financier et économique (ou de sa transformation en capital de ce type). Ce n'est plus un capital là usage personnel, mais un capital économique mobile aux effets bien différents (voir l'article sur Capital et capitalisme).