L'article de Patrick Juignet « Humanité ou sagesse ? » a le mérite de prendre acte de la fin d’un cycle philosophique (le soupçon postmoderne, l’anti-humanisme) et d’essayer de rouvrir un horizon. Il ne propose ni un retour à l’ancien humanisme, ni de poursuivre le pessimisme de la déconstruction postmoderne.
Il se situe dans la perspective de reconstruction d'un socle philosophique adapté à notre temps (plutôt qu’un humanisme héroïque ou triomphal). Il réussit à donner le ton d’une philosophie sobre, orientée vers la pratique, consciente de la fragilité des conditions humaines. Mais il reste, à ce stade, une ébauche : la figure de la sagesse est encore trop indéterminée, la dimension collective pas assez pensée, l’universalité des valeurs insuffisamment reconstruite.
Ce texte de Juignet peut être lu comme une entrée en matière : il propose une orientation (humanité comme tâche fragile, sagesse comme condition de son actualisation) et appelle à un développement plus systématique, qui reste à écrire. La tâche est vaste.
Compte tenu des doutes et incertitudes actuelles, il serait utile de réinventer un récit philosophique partageable qui redonne une cohésion et une confiance collective. L'humanisme est un antidote à la vision utilitariste de l'homme, au vide idéologique contemporain, comme aux extrémismes religieux. L'humanisme est une doctrine suffisamment large pour qu'elle soit reprise par beaucoup de personnes de bonne volonté. Mais, il nous faut redéfinir l'humanisme, car si l'on veut qu'il soit efficace, il faut un humanisme sans complaisance.
Mettre l’homme en avant ne suffit pas, car la barbarie est – hélas – très humaine. Chaque enfant peut aussi bien devenir un monstre stupide, ignorant, avide, sadique, haineux, qu’un sage empathique, savant, créatif et altruiste. Il peut surtout devenir une victime de l’idéologie. Les pires barbaries ont presque toujours été commises au nom de principes idéologiques et religieux : guerres de religion en Europe, massacres des juifs sous le nazisme, assassinats de masse sous le communisme. Les guerres de conquête issues de la confrontation entre les États pour le contrôle des richesses et des populations, sont toujours justifiées par des idéologies.
Juignet souligne que l'humanisme ne peut être une idéalisation de l’homme. Il faut le définir autrement et mieux. Pour cela l’humanité (au sens d'un devenir de l'homme) est une notion intéressante. L'usage linguistique a consacré les termes d'humain et d'humanité pour signifier digne, sage et empathique. Par opposition, en cas de violence destructrice pour les individus et désorganisatrice pour la sociabilité, on parle de barbarie. La locution « avoir de l'humanité » désigne le respect et la sociabilité, qualités nécessaires pour une vie harmonieuse.
Dans cette perspective, l'éthique humaniste consiste à faire en sorte que l'humanité, possible, mais pas certaine, chez l'homo-sapiens, advienne. L'humanité est à construire par l'éducation et collectivement par l'avancée civilisationnelle. Pour que l'humanisme soit efficace, il faut qu'il soit à la fois volontariste, sans complaisance et soutenu par le droit. Les deux déclarations sur les droits de l'Homme (Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948) sont, à ce titre, essentielles.
Pour l'auteur, l'humanisme est un idéal qui aide à mener la lutte sans fin contre les passions funestes des humains pour le pouvoir, l'argent, la domination des autres.
Voir l'article : Humanité ou sagesse ?