Liberté égalité

Il y a actuellement un regain d'intérêt pour Jean-Jacques Rousseau. Entre novembre 1753 et février 1754, Jean-Jacques Rousseau écrivit le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, dans lequel il raconte une histoire de l'humanité débutant par un hypothétique état de nature, suivi de la genèse de l'état social. Ce récit ne tient pas au vu du savoir scientifique, c'est une fiction, mais l'éthique qu'il illustre est un idéal qui reste d'actualité.

Cette éthique s'ordonne selon deux principes majeurs : la liberté et l'égalité. Jean-Jacques Rousseau ne fait pas appel seulement à la raison, mais aussi au sentiment pour justifier son point de vue. De cette éthique découle, du point de vue pragmatique, des propositions politiques. 

Avec Du contrat social écrit entre 1760 et 1762, Jean-Jacques Rousseau cherche un fondement légitime à l'exercice du pouvoir. Un contrat social est l'acte intellectuel par lequel une population devient un peuple en fondant un État de droit. Par là, il recouvre sa liberté, car il n'est plus asservi par la force. Ce philosophe écrivain publie l'essentiel de son œuvre au milieu du XVIIIe siècle, considéré comme le Siècle des lumières.

La lutte contre l’obscurantisme et le despotisme est commune aux penseurs des Lumières.  Tous prônent la liberté de pensée : l'indépendance de la science, la liberté d’opinion politique, la liberté de culte. Certains croient au progrès historique et économique, ce qui est nommé « l'amélioration » de l'homme et de la société. Par opposition aux philosophes des Lumières Rousseau  doute que le progrès scientifique et matériel apporte une amélioration sociale et politique (ce qu'il développera dans Le Discours sur les Arts et les Sciences en 1750).

La  conception de Rousseau est également en décalage avec celle des philosophes du Contrat social, qui sont venus avant lui, que ce soit Thomas Hobbes (le Léviathan 1651), où John Locke (Traité du Gouvernement civil 1690). Pour eux, les hommes créent le pouvoir politique et juridique (ils créent l’État) en vue de protéger les droits naturels de chacun et en particulier la propriété privée.

Le Contrat Social, livre publié en 1762,  aura un énorme succès à partir de 1789. Pour Rousseau le contrat social doit promouvoir une transformation morale de l'homme. Le rôle du pouvoir politique, le rôle de l’État, c’est de rendre l’homme meilleur.  Pour Rousseau, il n’y a encore jamais eu, de véritable Contrat social. Les hommes vivent actuellement dans des sociétés que Rousseau décrit comme un état de guerre, de concurrence, de domination.

Pour en sortir (grâce à un contrat social), il faut, dit Rousseau, qu’ils dépassent leurs intérêts égoïstes, leurs intérêts privés et qu’ils se hissent à l’intérêt général. Le détenteur de la volonté générale, c’est le peuple lui-même comme corps politique unis, homogène, doté d’une seule volonté, ce que Rousseau appelle le « moi commun ». Et donc, c’est le peuple qui doit exercer directement le pouvoir législatif. Rousseau est un théoricien de la souveraineté populaire. Il s’inscrit dans une tradition que l'on nomme « républicanisme ».

Il y a cependant une nuance à considérer. Rousseau se méfie du peuple tel qu'il est. Pourquoi ? Parce que l’homme moderne est corrompu. Le peuple est instable, divisé, peut devenir tyrannique et peut être trompé par les démagogues. Il faut donc d'abord le conduire, l’éduquer. Là, Rousseau rejoint le projet éducatif très large de certains philosophes de Lumières, comme Diderot.

En défendant les idées de liberté, d'égalité et de contrat social, Rousseau est un précurseur de la modernité. La liberté et l'égalité sont le résultat d'un combat à mener à la fois contre les tendances prédatrices et dominatrices de très nombreux humains, et contre le contrôle et l'asservissement par les États autoritaires. Liberté et égalité sont les principes d'une vie sociale décente, à défendre par des lois et des institutions protectrices.

Selon Rousseau le peuple ne doit exercer ni le pouvoir constituant, ni le pouvoir exécutif. Il lui revient seulement le pouvoir législatif. Il l’exerce directement selon le principe républicain défendu par Rousseau. D'un point de vue pratique, Il note que la volonté générale du peuple ne peut s’exercer de cette façon directe que dans les petites Républiques à taille humaine, les Cités État, les cantons suisses par exemple. Le problème reste entier pour les États-nations de grande taille.