Définition, origine, enjeux épistémologiques.

La philosophie est une façon de penser abstraite et rationnelle, pourvue d'un certain degré de généralité. Pour caractériser la philosophie, Jean-Pierre Vernant a mis en avant un type de rationalité apparu en Grèce :

« C'est à travers l'élaboration d'une forme de rationalité et d'un type de discours jusqu'alors inconnus que la pratique philosophique et le personnage du philosophe émergent, acquièrent leur statut propre, se démarquent, sur les plans social et intellectuel, des activités de métier comme des fonctions politiques ou religieuses en place dans la cité ».

Qu’une manière de penser naisse ne veut pas dire qu’elle perdure, ni qu’elle soit largement partagée. Ce qui s’amorce en Grèce au Vᵉ siècle av. J.-C., comme pensée et discours rationnels survivra avec peine. La religion chrétienne va l’amenuiser jusqu'à ce que l’empereur Justinien bannisse l’école d'Athènes restante, en 529. Les philosophes sont obligés de quitter l’Empire d'Orient et de se réfugier en Perse.

Commence alors la translatio studiorum, le « transfert des études », qui est le déplacement du savoir philosophique de l'Antiquité (principalement Aristote et Platon) du monde grec vers le Proche-Orient, puis arabe oriental (Bagdad), puis arabe occidental (Cordoue, Tolède). Sa redécouverte par l'Europe latine se fera grâce aux monastères dans les marges de la théologie, à la Renaissance à partir du XIIᵉ siècle.

Pour en donner une définition négative, on peut dire que la philosophie se distingue des mythes, de l’idéologie et de la religion, ainsi que de la littérature et des arts, et finalement des sciences. Après une période pendant laquelle une philosophie naturelle à vocation empirique a perduré, les sciences et la philosophie se sont séparées au XVIIIᵉ siècle.

La complexité des problèmes philosophiques provoque des réponses différentes et parfois contradictoires. Des considérations justes et pertinentes peuvent s'opposer entre elles. Philosopher, c'est chercher un équilibre entre des considérations multiples (plus ou moins conciliables), afin de trouver une cohérence adaptée à la complexité de la réalité. Cet exercice intellectuel incertain aura un intérêt s'il explicite l'Univers de manière utile pour la connaissance et l'action.

Le territoire de la philosophie s'étend partout où le besoin d'une pensée distanciée se fait sentir, une pensée de seconde intention, une pensée critique sur la connaissance et l'action. En étant à distance, le philosophe peut opérer des synthèses qui échappent aux chercheurs spécialisés.

+ Concernant la connaissance, elle a deux domaines qui sont l'épistémologie (les types de connaissance, la scientificité) et l'ontologie (ce qui est, ce qui existe). La philosophie doit se distinguer de la métaphysique qui la pousse vers l'invérifiable.

+ D'un point de vue pragmatique, le rôle du philosophe est de produire des récits, qui porteront et guideront la vie humaine. Mais ce sera avec prudence et sous forme de propositions. La légitimité de telles propositions est de fournir un contrepoint cohérent aux mythes, aux idéologies et religions omniprésentes. S'il adopte une éthique humaniste, ce qui n'est pas nécessairement le cas, il proposera une sagesse pratique comme antidote aux passions humaines destructrices sans cesse à l'œuvre.

Philosopher, c'est aussi se taire lorsque les questionnements sont trop flous, trop vastes, que l'on n’a aucune donnée empirique sérieuse, ou que le problème posé est absurde. L'abstention et le silence sont à ce titre éminemment philosophiques !

Voir l'article : La philosophie comme proposition