D'évidence de nombreuses sciences coexistent. Il s'ensuit que nous ne disposons pas d’un système cohérent, unique et achevé de connaissance de l'Univers. Cet état contemporain des sciences donnant lieu à diverses interprétations. Certaines de ces positions philosophiques sont monistes (visant à unifier les sciences ou de la réalité, ou du réel), d’autres pluralistes (considérant la pluralité scientifique comme indépassable, voire désirable).
Le pluralisme peut prendre des aspects variés. Il peut se comprendre comme un pluralisme uniquement épistémologique (où la pluralité est due aux contraintes de la connaissance, malgré un réel unique et cohérent), ou comme un pluralisme ontologique (où la pluralité est inhérente au réel). Expliciter ces pluralismes, c'est donner les raisons pour lesquelles le moniste (pourtant assez plausible) n'est pas satisfaisant.
Le point de départ de l’hypothèse pluraliste contraint la conception ontologique qui lui est liée. Il impose de trouver une concordance entre ontologie et épistémologie. La question : comment un pluralisme scientifique peut-il être ontologique ? revient à expliquer comment les sciences désignent des niveaux ontologiques, c'est-à-dire qui sont constitutifs de l'Univers.
L'argumentation fondée sur la diversité des sciences, dans le cadre d'une philosophie rationaliste et empirique des sciences, est assez complexe à mettre en œuvre. Elle implique de différencier les champs empiriques objectivés de ce qui les fonde et précisément permet leur objectivation par la résistance à l'expérimentation. C'est une ontologie duale qui distingue la réalité empirique et son fondement réel, sans pour autant les dissocier.
Les domaines factuels que délimitent les disciplines scientifiques fondamentales ne sont pas seulement des niveaux de description de la réalité empirique, mais correspondent aussi à des formes identifiables du réel, au sens de ce qui fonde la réalité et résiste. Réel et réalité sont les deux faces d'une même pièce, on pourrait dire la face fondatrice et la face empirique, saisissable par l'expérience. Ce qui correspond au réalisme scientifique.
Ce type de conception peut être défendu au titre d'un point de vue réaliste assez général ou d'un réalisme appliqué aux sciences. C'est le cas de Hilary Putnam et d'autres réalistes contemporains. Le succès cumulatif et la transférabilité technologique des théories scientifiques modernes suggèrent que, si elles s'appuient bien sur les faits, elles capturent aussi la structure, ou l'organisation, d'un réel indépendant.
Pour cette lecture, limiter l’adéquation à la seule sphère observable revient à rendre inexplicable la stabilité de nombreuses entités théoriques à travers les changements de paradigme, la convergence de domaines indépendants vers des structures communes, la fécondité technologique. Le réalisme permet d'avoir une explication unifiée de tout cela.
Il existe aussi un argument plus général. Les sciences, en objectivant la réalité grâce à l'expérience, rencontrent une résistance, elles viennent buter sur un obstacle qui peut les réfuter : le réel. Les sciences fondamentales délimitent ainsi diverses pièces à deux faces (associant réel constitutif et réalité factuelle), qui sont les formes d'existence connues de l'Univers. Ce qui est en faveur d'un pluralisme ontologique fondé sur les sciences.
Voir : Juignet, Patrick. Argument en faveur d'une ontologie pluraliste. https://philosciences.com/arguments-ontologie-pluraliste.