Définition, origine, enjeux philosophiques.
L’imagination est la capacité ou faculté à produire des fictions imagées. Le résultat de l’imagination est appelé imaginaire, que ce soit à titre individuel ou collectif (imaginaire d’une personne, d’une époque ou d’un groupe social).
Le latin employait le mot imaginatio pour désigner la faculté visuelle de recevoir, reproduire ou engendrer des images. Le terme phantasia correspondait à la faculté d’inventer, de combiner des images, de créer des scénarios. La disposition imaginative peut difficilement être détachée de la capacité à produire des fictions, des scénarios, des récits, ce qui implique aussi un ensemble image-texte. Plus généralement, l’imagination est liée à la sémiotisation des contenus, c'est-à-dire à l’emploi de langages imagés ou verbaux ou gestuels.
Plutôt que de parler sèchement d'imagination, il serait préférable d’évoquer la pensée imaginative car c’est véritablement une forme de pensée produisant des fictions souvent complexes, qui sont compréhensibles, transmissibles, interprétables et qui conduisent souvent à des actions pour les réaliser.
Cette pensée, fictionnelle (magique, animisante, romanesque) n’est pas rationnelle, locution négative que nous préférons à « irrationnel », qui est connoté péjorativement. Les philosophes se sont partagé entre amis et ennemis de l'imagination. « Folle du logis » pour Voltaire elle est une pensée utile pour Henri Bergson car elle nourrit l'intuition. Nietzsche rassemble sous le terme négatif de « préjugés » tout ce qui a trait aux récits imaginaires. Par contre, Michel Serres considère que « L’homme invente, fabule, raconte, il tisse des récits qui lui permettent de survivre et de connaître » (Le Tiers-Instruit, Paris, François Bourin, 1991, p. 42). Chez Michel Serres l’intelligence humaine est d’abord narrative et imaginative, avant d’être logique ou rationnelle.
La pensée narrative, imaginative et fictionnelle n’est pas conforme au bon sens, au respect des faits, à la logique, mais elle n’est cependant pas aléatoire. Elle a une dynamique qui lui est propre et joue un rôle important dans la vie humaine. Sa dynamique a été étudiée par des auteurs comme Carl Gustav Jung, Gaston Bachelard pour la philosophie, Sigmund Freud pour la psychanalyse, Gilbert Durand, Claude Lévi-Strauss pour l’anthropologie et Carl Gustav Jung qui se situe à cheval sur ces deux domaines.
Ces auteurs les appellent schèmes, archétypes, formes matricielles, figures sémiotiques, ou évoquent, plus largement, une architecture narrative. Quel que soit le terme employé, il est certain que des processus cognitivo-représentationnels (au sens large) sont mis en jeu par la compétence imaginative de l'Homme.
La pensée imaginative reçoit et reprend les imaginaires que l’environnement socioculturel transmet aux individus. L’imagination se nourrit des imaginaires déjà présents, ceux qui sont proposés directement. Ils sont véhiculés par l’entourage, par les médias, par les prosélytes en tous genres qui de nos jours se déchaînent sur les réseaux sociaux. L'imagination peut entrainer dans des fictions délétères. « Le sommeil de la raison engendre des monstres » est le titre de l'une des gravures de Goya parmi les plus connues du siècle des Lumières.