Définition, origine et enjeux philosophiques.

Au XVIIᵉ siècle, les philosophies du contrat social (John Locke, Hugo Grotius, Samuel von Pufendorf) préparent la pensée libérale. Le terme « liberal » (adjectif) en tant que terme politico-économique commence à être utilisé significativement vers 1769-1770, en Grande-Bretagne par William Robertson, puis Adam Smith et d’autres de l’École écossaise des Lumières. Le mot « liberalism » apparaît un peu plus tard, au début du XIXᵉ siècle, quand les mouvements politiques s’organisent.

Plutôt que de tenter une impossible définition du libéralisme en général, nous nous efforcerons de distinguer plusieurs formes de libéralismes. Cette pluralité peut être cernée selon deux axes : le libéralisme politique vs le libéralisme économique, le libéralisme moral-bienveillant vs le libéralisme égoïste-individualiste.

Le libéralisme politique met l’accent sur la limitation des pouvoirs de l'État, la protection des droits fondamentaux, la liberté d’expression, de conscience et d’association. On le trouve chez Montesquieu (De l’esprit des lois, 1748), Benjamin Constant (De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes, 1819), Alexis de Tocqueville (De la démocratie en Amérique, 1835-1840), John Stuart Mill (On Liberty, 1859).

Le libéralisme économique défend la liberté d’entreprendre, le droit de propriété, le libre-échange et la concurrence. On le trouve chez Adam Smith (Wealth of Nations, 1776), David Ricardo, Jean-Baptiste Say. Le but explicite est de garantir le fonctionnement spontané du marché, en limitant l’intervention de l’État.

Ces deux dimensions peuvent aisément entrer en conflit. Le libéralisme économique peut conduire à des inégalités fortes, qui menacent l’égalité politique réelle (critique de Tocqueville et de Mill). Le libéralisme politique, en réclamant une régulation démocratique, peut entrer en tension avec le laisser-faire économique (c’est l’opposition toujours vive entre un libéralisme politique attaché aux institutions démocratiques et un libéralisme économique tendant vers le néolibéralisme).

Héritiers de la philosophie morale écossaise, des auteurs comme Hutcheson, Hume, Smith défendent un libéralisme moral et bienveillant. Cela suppose que la sympathie viendra tempérer l’intérêt personnel purement calculateur : Theory of Moral Sentiments de Smith (1759). John Stuart Mill prolonge cette tradition en articulant liberté et souci du bien commun. Pour ces auteurs, il semble possible de concilier le libéralisme économique avec la solidarité et le souci de la vertu civique.

D'autres défendent une conception possessive et concurrentielle du libéralisme. On peut rattacher à cette veine les lectures plus « utilitaristes » du marché, les doctrines du laisser-faire intégral, et plus tard le darwinisme social (Herbert Spencer). Leur postulat de départ est que la société consiste dans l’agrégat des intérêts individuels, l’État n’ayant qu’un rôle minimal de protection des droits de propriété.

Cette opposition traverse toute l’histoire du libéralisme. Les deux aspects pouvant se retrouver chez un même auteur. Adam Smith oscille entre l’égoïsme méthodologique de Wealth of Nations et la sympathie morale de la Theory of Moral Sentiments. Mill tente de concilier liberté individuelle et souci de l’épanouissement collectif. Le comble de la contradiction (ou du cynisme) est atteint avec Mandeville, moraliste provocateur, pour qui « les vices privés font les vertus publiques ».

Les libéralismes contemporains héritent de cette tension. John Rawls réhabilite une conception morale et égalitaire, tandis que Friedrich Hayek ou Milton Friedman incarnent la défense d’un libéralisme plus individualiste et anti-interventionniste, quoique pour des motifs différents. L’ordo-libéralisme (Walter Eucken, Wilhelm Röpke), au fondement du modèle social allemand, se distingue du néolibéralisme anglo-saxon, et du libéralisme social (Thomas Hill Green, Leonard Hobhouse), matrice intellectuelle de l’État providence britannique.

Ainsi, le libéralisme ne se définit pas comme une doctrine unique, mais comme un concept mixte en tension entre philosophie, politique et économie.