Définition, origine et enjeux philosophiques.

Le terme téléonomie a été introduit par Colin S. Pittendrigh en 1958, puis repris par Jacques Monod dans les années 1970. Il vise à nommer les aspects finalisés du vivant tout en se séparant du finalisme, qui reste associé au terme de téléologie. Il s’agit d’éviter l’évocation de causes finales ou d’un dessein intelligent dans l’explication scientifique des processus.

Aristote parlait déjà d’une finalité immanente, en affirmant que la nature « ne fait rien en vain », mais dans un cadre encore téléologique au sens fort, reposant sur la causa finalis. Kant, dans la Critique de la faculté de juger (§64-65), soutient que les organismes doivent être jugés comme s'ils étaient produits en vue de fins, tout en maintenant ce principe dans la sphère régulative et non constitutive. Darwin permet de sortir de ce « comme si » : la sélection naturelle produit effectivement des formes adaptées. La finalité biologique devient ainsi explicable sans recours à intention ou dessein. C’est dans ce prolongement qu’apparaît, au XXᵉ siècle, le terme de téléonomie.

On peut dire que certains processus biologiques sont téléonomiques : ils aboutissent à des formes et fonctions qui présentent une adaptation effective à l’environnement, adaptation qui n’est pas due au hasard, mais au jeu de contraintes sélectives et des réponses des organismes vivant. Par exemple, les formes hydrodynamiques des poissons et aérodynamiques des oiseaux leur permettent de se déplacer efficacement dans l’eau ou l’air : il y a adéquation fonctionnelle entre la structure du corps et le milieu de vie.

Cette finalité n’implique pas de finalisme : aucune volonté, intentionnalité, ni cause finale transcendante n’ont présidé à ces réalisations. La finalité en question est une « finalité immanente » : les organismes possèdent des structures et fonctions adaptées qui remplissent un rôle effectif. On ne suppose aucun projet, intention ou cause finale extérieure. Pour Jacques Monod, “Les systèmes téléonomes exigent des circuits de régulation.” (J. Monod, Le Hasard et la Nécessité, Seuil, 1970, chap. IV). Ce sont des processus internes aux organismes qui imposent de parler de téléonomie.

Pour l’instant, le terme est resté surtout confiné à la biologie et n’a pas trouvé d’usage technique stabilisé dans d’autres domaines.