Définition, origine et enjeux philosophiques.
Le mot schème (du grec skhêma, forme, disposition) remonte à Emmanuel Kant, qui le définit dans la Critique de la raison pure comme l'intermédiaire entre l’intuition sensible et le concept pur : « Le schème est un produit de l’imagination, a priori, qui fait le lien entre un concept et les données sensibles » (Kritik der reinen Vernunft, A138–B177). Le schème assure la médiation entre les catégories de l’entendement (concepts purs) et les intuitions sensibles (données spatio-temporelles).
Un glissement sémantique s'est ensuite produit. Utilisé en psychologie et psychopathologie, le terme de schème en est venu à désigner une structure psychique ou cognitive stable, acquise dans le développement ou dans l’expérience.
Dans son ouvrage fondamental L’Automatisme psychologique (1889), Pierre Janet utilise le terme de schème pour désigner des structures d’action répétables, inconscientes ou subconscientes.
« Tous les mouvements de la vie ne sont pas faits de la même manière. Certains consistent à répéter un schème d’action très simple, établi une fois pour toutes, et qui se reproduit ensuite presque automatiquement. » (L’Automatisme psychologique, 1889, p. 373) « Ces schèmes de conduite une fois organisés, peuvent se dérouler sans intervention de la conscience. » (ibid.)
Les schèmes permettent la coordination entre perception, motricité et mémoire. Ils sont incorporés et automatisés par la répétition, fonctionnent indépendamment de la conscience. La pathologie vient les désorganiser ou les désintégrer (notamment les troubles dissociatifs, l’hystérie, la psychasthénie). Le schème apparaît alors comme un programme d’action intégrée, anticipant des réponses motrices, affectives ou mentales, dans un environnement donné.
Jean Piaget (La psychologie de l’intelligence (1947) et Biologie et connaissance (1967), généralise cette notion. Il considère les capacités intellectuelles comme un ensemble de schèmes établis à partir des faits constatés cliniquement ou lors de tests. Chez lui, le schème devient l’élément de base du développement cognitif. Il s'agit d’un élément mémorisé qui permet à l’enfant d’agir sur le monde. Les schèmes simples se combinent, évoluent et se réorganisent, donnant lieu à des structures cognitives nouvelles.
Le schème n'est pas la pensée. Il existe seulement comme disposition d’action et d’organisation de la cognition : répétable, transférable et généralisable. Grâce à la fonction sémiotique, il se transforme en concepts qui forment une pensé consciente, manipulable, transmissible. Au début, n'existent que les schèmes. Ils sont, dans un second temps, reconstruits de façon conceptuelle.
Le concept de schème donne une unité dans la façon de théoriser les capacités intellectuelles. Il étend cette conceptualisation au-delà de l’intellect vers l’affectif et le relationnel. Ainsi, on parle ainsi des schèmes affectifs (l’imago est un schème affectif). Le schème est un concept qui renvoie au niveau des structures cognitives et affectives, au-delà de l’expérience immédiate.
D'autres auteurs utiliseront le terme de schème dans la psychologie cognitive et l’IA (Bartlett, Neisser, Rumelhart, Minsky). Gilbert Simondon (1964, 1969) l'utilise pour désigner l'organisation dynamique permettant l’individuation et la régulation entre individu, milieu et technique (L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information).
Actuellement, le terme de schème désigne une organisation, une structure, ou une procédure, dont on suppose l'existence chez un individu pour expliquer ses conduites.